04 mars 2018

DIV : Le retour de l'obscurantisme.

Égypte, le 11 février 2018 ; alors que, selon Le Point, le gouvernement s'apprête à criminaliser l’athéisme, Marianne se fait l’écho (ici) d’un événement encore pour quelques-uns incroyable : l’expulsion d’une personne se disant athée (voir le sketch), du plateau d’une émission populaire de l’une des innombrables chaînes satellitaires égyptiennes (liste).
Quoi dire des arguments qui sont développés par le présentateur animateur et son invité, si celui-ci ne se présentait pas comme directeur adjoint (deputy sheikh) de l'université millénaire, certes islamique mais publique Al-Azhar. L’argumentaire du jeune homme reposait sur son choix d’adopter une théorie explicative des origines non déiste, et l’explication que le postulat du big-bang n’empêchait en rien sa moralité et son utilité sociale. De quoi émouvoir le Middle East Media Research Institute (MEMRI) qui a relayé l’extrait de l’émission le vendredi 2 mars suivant, diffusant la vidéo de ce moment jusque-là passé inaperçu et qui, s’il est avéré, frise le surréalisme le plus absolu (voir ici). Tout cela n’a pas manqué de mobiliser l’assemblée des bien-pensants de la théorie du complot. En effet, la question reste de savoir s’il s’agit ou non d’un « fake » (voir), et la blogosphère s’est enflammée pour dénoncer, discuter et surtout discutailler, à coups de relais, renvois (repost) et commentaires allant des plus farouchement opposés aux religions à la défense fanatique de celles-là, ou même, par voie de conséquence, au soutien inconditionnel à la neutralité et l’objectivité de MEMRI à sa critique la plus bassement antisémite.
Bref, cela nous rappelle le festival des branquignolles, et le projet d’Amira Kharoubbi, étudiante à l’École nationale d'ingénieurs de Sfax, qui a travaillé depuis 2011 sous la direction du Professeur Jamel Touir, dans le cadre d'une thèse dénonçant Copernic, Galilée, Kepler, Newton, Einstein, etc. et promouvant l’évidence physique de la platitude de la Terre (voir ici). Quant aux Américains, il y en a toujours pour aller encore plus loin… et Mike Hughes (voir ici) tente toujours de lancer sa fusée. Et voilà qu’à Bordeaux, certains ramènent « leur science » sous le masque de la « laïcité nouvelle donne » : tout le monde a le droit de penser ce qu’il veut, de croire à n’importe quoi, et surtout de venir « em....r » les professeurs avec des arguments aussi iréniques que débiles (au sens littéral de faibles et chétifs) pour les engager à plus de souplesse dans leur rigueur scientifique. Surréaliste, la perspective actuelle est celle d’une excommunication express des scientifiques : arguments confus, incompréhensibles et échappant au contrôle direct des citoyens par les réseaux sociaux, allant de la remise en cause de la physique, évidemment non complète, à la substitution de la psychologie par les belles images des neurobiologistes que tout le monde peut voir, ou le refus des nécessités de la vaccination pour les enfants. Cela est inquiétant, après un siècle de progrès théorique, voici revenu à grand galop les politiciens de la tolérance obligatoire et de l’acceptation des discours les plus religieux.
Mais revenons à Dieu ou, plus exactement, à son contraire « non-dieu ». Dans une excellente chronique du Point (lien), Roger-Paul Droit rappelle que déjà Platon, dans son dernier dialogue « les Lois », dénonce athées et agnostiques, tous ceux qui mettent en cause l'existence des dieux, pour les enfermer et même les tuer s’ils restent impossibles à fléchir. De tels esprits seraient des « ferments de discorde et de désorganisation », véritables majeurs pour toute « Cité juste ». L’inquisition et l’ordre islamiques n’ont pas été en reste, et Droit rappelle comment Voltaire, opposant au clergé, aux fanatismes et aux superstitions, dénonce paradoxalement les athées accusés « de s'affranchir de toute morale ». Si Voltaire est libre penseur, le vulgum pecus, le commun des mortels, la multitude ignorante ne peuvent jouir de pareille liberté et tenus à rênes courtes. Celles des freins de la religion et de la crainte du châtiment divin en sont d’excellente et « Si Dieu n'existait pas, il faudrait l'inventer ». Et Droit de citer le constat du Dmitri, le modèle de l'homme de tous les jours, partagé entre ses passions et ses doutes, celui des Frères Karamazov qui n’est ni l'homme de foi, ni l'intellectuel matérialiste : « Que faire, si Dieu n’existe pas, si Rakitine a raison de prétendre que c’est une idée forgée par l’humanité ? Dans ce cas, l’homme serait le roi de la terre, de l’univers. Très bien ! Seulement, comment sera-t-il vertueux sans Dieu ? Je me le demande. En effet, qui l’homme aimera-t-il ? À qui chantera-t-il des hymnes de reconnaissance ? Rakitine rit. Il dit qu’on peut aimer l’humanité sans Dieu. Ce morveux peut l’affirmer, moi je ne puis le comprendre » (DostoÏevski : ici). Voilà la crainte, si le big bang est théorisé, si tout est prédéterminé ou pour le moins les grandes règles de l’organisation physique, si dieu est inventé, si la science explique le réel, si les robots créent leur propre intelligence, et s’il n’y a pas un bout d’âme à montrer dans les images du cerveau, alors certains ne l’accepteront pas. C’est pour eux intolérable ; et l’intolérable est source d’intolérance (toujours selon Marianne, l'Egypte se prépare à adopter une loi criminalisant la non croyance en dieu - lien).
Et les pires sont comme d'habitude les mous ... les "laïques mous", les adeptes de la bien-pensance, ceux qui permettent de jeter tout en recommandant toujours plus d'ouverture et de tolérance, acceptant la toujours même discussion, sans fin, dans les mêmes « débats », celui d'un dieu absolu et de la suspecte science. Prenez garde, pauvres matérialistes, les juges vont un jour vous poursuivre ! Pendant ce temps, les stratèges de la défense rivent leurs yeux sur les brumes de Clausewitz en sortant de la messe sans voir Poutine investir dans l'IA. De nouveaux politiques, biberonnés à l’école confessionnelle sans avoir eu la chance de vivre une école républicaine, de la science et de la lumière, dont les hussards lassés pensent à d'autres mondes, rêvent parfois de régler son compte au statut protégé des scientifiques ... (peut-être après celui des cheminots ?). La science est en danger, le danger n'est pas dieu, mais bien entendu ceux qui s'en réclament de manière absolue, et refusent d'entendre. c'est aussi celui du découragement des scientifiques submergés d'administration plutôt qu'incité à librement chercher et encouragés à transmettre.

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